Brésil : ce qui attend l'ancien président Jair Bolsonaro, visé par plusieurs enquêtes judiciaires, pour son retour au pays
Brésil : ce qui attend l'ancien président Jair Bolsonaro, visé par plusieurs enquêtes judiciaires, pour son retour au pays

Brésil : ce qui attend l'ancien président Jair Bolsonaro, visé par plusieurs enquêtes judiciaires, pour son retour au pays

Il avait quitté son pays écœuré et déprimé par sa défaite face à Lula. Après un exil de trois mois aux Etats-Unis, c’est un Jair Bolsonaro bien décidé à refaire de la politique qui est arrivé au Brésil, jeudi 30 mars. “Je ne vais aucunement diriger l’opposition, je vais participer [à la vie politique] de mon parti, en apportant mon expérience”, a-t-il déclaré mercredi soir à la chaîne CNN Brésil, avant de décoller de l’aéroport d’Orlando. L’ex-président avait déjà déclaré la semaine dernière son intention de “parcourir le pays”, et “de faire de la politique” pour défendre les valeurs ultra-conservatrices au Brésil. 

Mais la justice pourrait venir contrecarrer ses plans. En revenant au Brésil, Jair Bolsonaro sait qu’il est visé par pas moins de cinq enquêtes, et qu’il encourt même, à terme, la prison. Tour d’horizon de ce qui l’attend à son retour au pays.

Un accueil en grande pompe qui inquiète la police

Jair Bolsonaro est arrivé à Brasilia dans la matinée de jeudi. Ce retour était attendu avec nervosité dans la ville, où la police militaire devait veiller à ce qu’aucun rassemblement n’ait lieu. Elle “se tiendra prête à fermer rapidement l’accès à l’esplanade des Trois-Pouvoirs [au cœur de la capitale] comme à l’aéroport”, avait prévenu le secrétaire à la Sécurité publique de Brasilia. 

La journée s’annonçait tendue, puisque les supporters de l’ancien dirigeant d’extrême droite ont été appelés sur les réseaux sociaux à venir l’accueillir en nombre à l’aéroport, même s’il n’est pas prévu que leur champion prenne la parole. Un député de son parti, Gustavo Gayer, a ainsi appelé à “un soutien solide” à l’aéroport pour “ouvrir la voie d’un retour de Bolsonaro à la présidence”.

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Dès son arrivée, Jair Bolsonaro doit se rendre dans les locaux de son parti, le Parti libéral (PL), sous escorte de véhicules de la police militaire. Il doit y être accueilli par le chef du PL, des ex-ministres, députés et sénateurs alliés. Le parti, qui a fait une large publicité autour de l’arrivée de l’ex-chef d’Etat, place de grands espoirs dans son retour : Jair Bolsonaro doit même devenir le président d’honneur de la formation politique, ce qui lui permettra de toucher une somme mensuelle de près de 7 000 euros.

Alors que son successeur à la tête du Brésil se remet à peine d’une pneumonie, l’arrivée de Jair Bolsonaro est une mauvaise nouvelle pour la gauche sur le plan politique. “Lula va devoir maintenant gouverner avec une opposition organisée, cela pourrait faire une grande différence”, anticipe auprès de l’AFP Jairo Nicolau, politiste à la Fondation Getulio Vargas. 

Cinq enquêtes judiciaires et de possibles poursuites

L’ex-président d’extrême droite est sous le coup de cinq enquêtes à la Cour suprême. Quatre d’entre elles portent sur des délits présumés commis durant son mandat, entre 2019 et 2022, et une cinquième sur des soupçons d’incitation à prendre part aux émeutes du 8 janvier dernier à Brasilia.

L’une des enquêtes a été ouverte en 2020, quand son ancien ministre de la Justice l’a accusé d’ingérence auprès de la police fédérale pour protéger des proches soupçonnés de corruption. Il fait également l’objet d’enquêtes pour désinformation sur le système d’urnes électroniques ou sur le Covid-19. En tant que président, Jair Boslonaro ne pouvait être jugé que par la Cour suprême. Redevenu simple citoyen, les affaires qui le visent peuvent être prises en charge par des tribunaux de première instance, où les procédures sont généralement plus courtes.

Comme il l’a d’ailleurs reconnu, l’ancien chef de l’Etat pourrait même être incarcéré préventivement. “Un mandat d’arrêt peut arriver sans crier gare”, a-t-il confié en février au quotidien Wall Street Journal (article en anglais). Au Brésil, une personne condamnée ne peut être incarcérée que quand tous ses recours sont épuisés, à moins qu’elle ne représente un danger pour la société, ou qu’elle ne risque de compromettre d’enquête et de détruire des preuves. 

Dans le cas “très peu probable” où Jair Bolsonaro serait condamné aux peines maximales pour l’ensemble des délits qui lui sont imputés, il pourrait passer près de 40 ans derrière les barreaux, selon Carla Junqueira, avocate et docteure en droit de l’Université de Sao Paulo. Dans tous les cas, les différents recours devant les instances brésiliennes prendront du temps, et les jugements définitifs ne seront pas rendus à court terme. 

Un risque d’inéligibilité 

Jair Bolsonaro est également sous le coup de seize enquêtes au Tribunal supérieur électoral. Il pourrait être condamné à huit ans d’inéligibilité, ce qui l’empêcherait de se présenter à la présidentielle de 2026. L’ex-président est notamment mis en cause pour ses attaques verbales répétées contre le système d’urnes électroniques.

Certaines plaintes dénoncent par ailleurs l’usage de l’appareil de l’Etat à des fins électorales. Son gouvernement a par exemple fait approuver au Congrès une augmentation des minima sociaux à quelques mois du scrutin d’octobre dernier, ce qui ne lui a toutefois pas permis de l’emporter face au président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.

L’enquête la plus avancée, qui représente selon les spécialistes une vraie menace pour son avenir politique, porte sur une réunion avec des ambassadeurs en juillet dernier à Brasilia. Face à des diplomates d’une quarantaine de pays, Jair Bolsonaro avait montré une présentation sur PowerPoint truffée de fausses informations sur les urnes électroniques, ce qui lui vaut d’être soupçonné d’abus de pouvoir.

L’affaire des bijoux saoudiens 

L’ex-président est enfin sous pression en raison d’un autre scandale, qui a fait les gros titres de la presse : Il est accusé d’avoir fait entrer illégalement au Brésil des bijoux offerts par l’Arabie saoudite.

L’affaire a été mise au jour par le quotidien Estadao, qui a révélé qu’une parure de diamants, évaluée à trois millions d’euros et destinée à l’ancienne Première dame Michelle Bolsonaro, avait été saisie par la douane brésilienne. Ces bijoux se trouvaient dans le sac d’un assistant d’un ministre qui revenait d’une visite officielle à Ryad, en octobre 2021, et n’avaient pas été déclarés au préalable.

Un autre lot de bijoux masculins est arrivé en possession de Jair Bolsonaro, qui les a restitués la semaine dernière par le biais de ses avocats, à la demande de la Cour des Comptes. Mardi, Estadao a révélé l’existence d’un troisième lot, avec notamment une montre Rolex sertie de diamants, que l’ancien président a reçu lors d’un voyage en Arabie Saoudite en 2019, et qu’il n’aurait pas rendue.

La loi brésilienne n’autorise le chef de l’Etat à conserver les présents reçus de la part d’un pays tiers que lorsque ceux-ci ont un caractère très personnel, ou sont de faible valeur. Pour le ministre de la Justice actuel, Flavio Dino, Jair Bolsonaro pourrait faire l’objet de poursuites pour appropriation illégale de bien publics ou pour fraude fiscale. L’ancien président devra s’expliquer sur les bijoux saoudiens devant la police fédérale le 5 avril, a confirmé mercredi une source policière à l’AFP.