Les pays du Sud sont à la fois les plus vulnérables à la crise climatique et les moins bien équipés pour y faire face. L’une des raisons de leur incapacité à s’adapter se trouve dans l’état de leurs comptes. Selon la Banque mondiale, l’endettement des pays en développement a plus que doublé en dix ans, pour atteindre les 9 000 milliards de dollars (8 217 milliards d’euros) en 2021. Cette situation, de fait, les contraint à emprunter massivement pour rembourser leur dette plutôt que d’investir dans la transition climatique.
Le sommet pour un nouveau pacte financier mondial à Paris, dont les conclusions sont attendues vendredi 23 juin, a justement érigé en priorité la restructuration de la dette des pays pauvres. Les dirigeants et les chefs d’Etat réunis à l’invitation d’Emmanuel Macron ambitionnent de réformer le système financier mondial afin de mieux armer les pays vulnérables du Sud face au changement climatique et à la pauvreté.
“Un cercle vicieux entre la dette et la vulnérabilité d’un pays”
“Il y a une forme de cercle vicieux entre la dette et la vulnérabilité d’un pays”, explique à franceinfo Emmanuelle Mansart-Monat, économiste à l’Agence française de développement. “Un pays victime de catastrophes climatiques va devoir mobiliser des finances publiques et s’endetter pour se reconstruire, et c’est de l’argent qu’il ne mettra pas ailleurs, par exemple pour anticiper le réchauffement climatique.”
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La situation, dans un contexte d’instabilité générale et de crises en série (Covid-19, guerre en Ukraine, inflation), ne risque pas de s’améliorer. Les taux d’intérêt ont explosé et font craindre une crise de la dette, alertait le Fonds monétaire international dans son rapport annuel 2022 (document PDF). “Certains pays sont d’ores et déjà dans des situations de non-soutenabilité de leur dette publique, comme le Sri Lanka, le Ghana ou le Suriname, qui nécessitent une restructuration”, écrit Emmanuelle Mansart-Monat sur le site The Conversation.
“Les pays en développement ont besoin de liquidités, d’une restructuration de leur dette, et de prêts à long terme à des taux raisonnables pour leur permettre d’atteindre les objectifs de développement durable”, alertait ainsi Rebeca Grynspan Mayufis, secrétaire générale de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, le 19 juin lors d’un discours prononcé à Genève (Suisse).
La conversion de la dette fait son chemin
A l’exception de la Chine, les pays en développement devront dépenser plus de 2 000 milliards de dollars par an (environ 1 826 milliards d’euros) d’ici à 2030 pour assurer leur développement et répondre à la crise du climat et de la biodiversité, selon les projections d’experts indépendants sous l’égide des Nations unies (document PDF). Ces investissements, nécessaires pour répondre aux objectifs des accords de Paris, dépendront forcément de l’évolution de leur dette.
Plusieurs scénarios sont justement à l’étude. Les dirigeants réunis lors du sommet parisien ont notamment étudié la mise en place d’une taxe internationale sur les émissions de carbone de l’industrie du transport maritime. La Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, qui plaide pour une justice climatique en renforçant les financements pour les pays du Sud, soutient de son côté la suspension du paiement de la dette en cas de catastrophe naturelle.
Enfin, l’idée d’une conversion de la dette en faveur du climat fait son chemin, comme évoqué dans une publication de la Banque de France. Ce concept, appelé “dette contre nature”, permettrait aux pays concernés de voir une partie de leur dette annulée en échange d’un engagement à dépenser une fraction de la somme économisée pour protéger l’environnement.