Au cinéma : Conan le barbare au féminin dans un film étrange, dingue et envoûtant
Au cinéma : Conan le barbare au féminin dans un film étrange, dingue et envoûtant

Au cinéma : Conan le barbare au féminin dans un film étrange, dingue et envoûtant

Passé par la Quinzaine des Cinéastes du dernier Festival de Cannes, "Conann" sort sur nos écrans. Et cette relecture du mythe de Conan le barbare au féminin signée Bertrand Mandico a tout pour vous étonner.

Ça parle de quoi ?

Parcourant les abîmes, le chien des enfers Rainer raconte les six vies de Conann, perpétuellement mise à mort par son propre avenir, à travers les époques, les mythes et les âges. Depuis son enfance, esclave de Sanja et de sa horde barbare, jusqu’à son accession aux sommets de la cruauté aux portes de notre monde.

Conann

Sortie :

29 novembre 2023

|
1h 45min

De
Bertrand Mandico

Avec
Elina Löwensohn,
Françoise Brion,
Christa Théret

Presse
3,3

Spectateurs
2,7

Séances (56)

Gender fluid(es)

Que les films de Bertrand Mandico soient distribués par UFO Distribution est à la fois amusant et logique. Car le réalisateur est un véritable OVNI dans le paysage cinématographique français. Même si l’on commence à l’identifier de plus en plus. Lui et son goût pour les genres (cinématographiques et sexuels), qu’il aime mélanger pour mieux les transcender.

Après une poignée de courts métrages, son passage au long s’était fait avec Les Garçons sauvages. Une allégorie de la transidentité tournée dans un noir et blanc aussi sublime et contrasté que celui de Conann, relecture surprenante et féminine des romans de fantasy de Robert E. Howard, dont les adaptations avaient fait d’Arnold Schwarzneegger une star au début des années 80.

Point de muscles saillants ici. Mais une femme, barbare, incarnée par six actrices différentes (dont Christa Théret). Une pour chaque âge de l’héroïne dont le chien des enfers Rainer (réincarnation canine du réalisateur Rainer Werner Fassbinder) nous raconte les vies et les morts, chaque itération du personnage étant assassinée par la suivante, dans un récit empli de fatalité.

Car l’amour et la mort font bon ménage dans le cinéma inclassable de Bertrand Mandico. Et si la nudité est moins présente ici que par le passé, Conann n’en est pas moins surprenant, fascinant, dérangeant, amusant, repoussant… Parfois dans un même élan, alors qu’il convoque les esprits de David Cronenberg et de Portier de nuit, et que le sort réservé à un personnage nommé Europe connecte son film au présent.

L’aspect politique du cinéma de Bertrand Mandico n’est certes pas nouveau, et le fait que des actrices incarnent des personnages masculins (et inversement) en était l’une des preuves les plus frappantes. Mais aucun de ses films ne résonnait autant avec notre époque que Conann.

Peut-être parce que le projet a d’abord été conçu avec le Théâtre des Amandiers (et tourné dans un studio juste à côté), pendant le Covid. Et que c’est peut-être de cette situation, incertaine pour la culture, qu’est né le pessimisme du long métrage.

Délesté de certaines métaphores trop appuyées de ses œuvres précédentes, peut-être plus accessible (et maîtrisé) aussi malgré une interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement, Connan n’en reste pas moins une œuvre barrée. Iconoclaste. Queer. Envoûtante. Où la couleur vient déchirer le noir et blanc comme un flash à chaque éclair de violence.

Un récit qui assume le côté artificiel de ses décors et déclare sa flamme à des genres souvent pris de haut et cantonnés aux séries B et Z, sans se pincer le nez. Et où les fluides, motif récurrent de sa filmographie, se mélangent autant que les registres.

Un cinéma qui ne laisse pas indifférent et peut provoquer de vrais rejets tant il refuse de rester dans les clous. Mais c’est justement ce qui plaît à son public, qui s’immerge dans les visions dingues que lui offre alors le cinéaste, capable de faire briller leurs yeux comme les paillettes qui s’invitent souvent à l’écran.

Cette fois-ci, le fond est encore plus présent, et le fait de traverser les époques avec son héroïne lui permet, en bout de course, de parler de la nôtre et tourner les performances artistiques actuelles (et les influenceurs) en dérision dans un final peu ragoûtant.

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“Pour moi, le comble de la barbarie c’est de tuer sa jeunesse”, disait Bertrand Mandico à Trois Couleurs en décembre 2020, pour présenter Conann pendant sa pré-production.

Savait-il à l’époque que cette préoccupation en forme de cri du cœur collerait à ce point avec le contexte dans lequel son film serait montré pour la première fois, à la Quinzaine des Cinéastes du Festival de Cannes 2023 ? Et le supplément de puissance que cela donnerait à cette œuvre inclassable dont certaines images nous hantent après la projection ?